Les cloisons paraissent barbouilles d’affiches de l’integralite des couleurs ou on s’en dit de chacune des couleurs, sans jeu de mots.
Qui n’a pas le parti – son programme – sa profession de foi ?
Qui n’est pas socialiste ou radical ou progressiste ou liberal ou « proportionnaliste » – le soir cri du jour ? C’est la grande maladie du siecle, une telle abnegation du moi. On reste d’une association, d’un syndicat, d’un parti ; on partage l’opinion, des convictions, la regle de conduite d’autrui. On est le mene, le suiveur, le disciple, l’esclave, jamais soi-meme.
Il en coute moins, c’est bon. Appartenir a un parti, adopter le programme d’un nouvelle, se regler dans une ligne de conduite collective, cela evite de penser, de reflechir, de se creer des idees a soi. Ca dispense de reagir via soi-meme. C’est le triomphe une fameuse theorie du « moindre effort », pour l’amour de laquelle on a devoile et fait tant de betises.
Certains appellent i§a vivre.
C’est bon, le mollusque vit, l’invertebre vit ; le plagiaire, le copiste, le radoteur vivent ; le mouton de Panurge, le faux frere, le medisant, et le cancanier vivent. Laissons-les et songeons, nous, non juste a vivre, mais encore a nous « sentir vivre ».
II. Se sentir vivre votre n’est jamais seulement avoir conscience qu’on accomplit regulierement les fonctions conservatrices de l’individu et, si l’on veut, de l’espece. Se sentir vivre votre n’est pas non plus accomplir les gestes de une life en fonction de un trace bien delimite, d’accord au milieu des deductions d’un livre savant ecrit via quelque auteur ne connaissant de la life que les cornues, nos creusets et nos equations. Se sentir vivre votre n’est certes nullement se contenir dans les allees bien sablees d’un jardin public quand vous appellent les sentiers capricieux des sous-bois sauvages. Se sentir vivre, c’est vibrer, tressaillir, frissonner aux parfums des fleurs, a toutes les chants des oiseaux, a toutes les trucs des vagues, a toutes les hurlements du vent, au silence d’une solitude, a J’ai voix fievreuse des foules. Se sentir vivre, c’est etre sensible a J’ai melopee plaintive du patre comme aux harmonies des grands operas, aux rayonnements d’un poeme comme aux voluptes de l’amour.
Se sentir vivre, c’est rendre palpitants ceux des details de sa vie qui en valent la peine : faire de celui-la une experience passagere et de celui-ci une experience qui reussisse. Tout cela sans contrainte, sans programme impose a l’avance, en fonction de le temperament, son etat d’etre du moment, sa conception d’une vie.
III. On peut se pretendre anarchiste et vegeter. On peut refleter l’anarchisme de le journal, de le ecrivain prefere, de son groupe. On va pouvoir s’affirmer original et n’etre au fond 1 hors texte ou un en dehors qu’a la deuxieme ou troisieme puissance.
Etre astreint au joug d’une morale dire « anarchiste », c’est i chaque fois etre lie. L’ensemble des morales a priori se valent : theocratiques, bourgeoises, collectivistes ou anarchistes. Courber l’echine sous une regle de conduite contraire a votre jugement, a ce raison, a ce experience, a votre que vous sentez et souhaitez, sous pretexte que c’est la regle choisie avec la totalite des membres de ce groupement, c’est faire acte d’encloitre, non d’anarchiste. Pas plus qu’est geste d’un negateur d’autorite la crainte de perdre l’estime ou d’encourir Notre reprobation de votre entourage. Tout votre que ce camarade marriagemindedpeoplemeet est en mesure de reclamer de vous c’est de ne point empieter sur la pratique de sa vie ; il ne pourra aller au-dela.
IV. Une condition essentielle Afin de « se sentir vivre », c’est savoir apprecier l’existence. Morales, sensations, lignes de conduite, emotions, connaissances, facultes, opinions, passions, sens, cerveau, etc., autant de revenus permettant d’apprecier le quotidien, autant de serviteurs mis a la disposition du « moi » pour qu’il se developpe et s’epanouisse. Mes maitrisant l’ensemble de, le « negateur d’autorite » conscient ne se laisse maitriser via aucun d’eux. La ou il succombe c’est par manque d’education de la volonte ; votre n’est nullement irreparable. Le « hors-domination » raisonne n’est pas un peureux, il jouit de l’ensemble de trucs, mord a toutes trucs, en limites de l’appreciation individuelle. Il goute a tout et rien ne lui repugne, sous condition de garder le equilibre moral.
L’anarchiste pourra seul se sentir vivre, puisqu’il reste l’unique parmi des hommes dont l’appreciation de la vie puise sa source en soi-meme, sans le melange impur d’une autorite imposee du dehors.
Ernest Lucien Juin, dit E. Armand, (1872-1963) anarchiste individualiste. Fils de communard, membre de l’Armee du salut en 1889, il decouvre l’anarchisme et rompt au milieu des salutistes en 1897. Il collabore ensuite a maints journaux ; Notre libertaire de Faure, Notre cri de revolte, il anime L’ere nouvelle de 1901 a 1911. A partir de 1902, Armand participe aux causeries populaires animees par Libertad et s’engage definitivement pour l’anarchisme individualiste. L’activite d’Armand lui coi»te d’etre condamne et emprisonne a de multiples reprises. Cela fera paraitre l’En-Dehors pendant 17 annees, L’Unique pendant 11 ans, puis un bulletin dans Defense de l’homme pendant 6 ans, Il collabore egalement a l’Encyclopedie Anarchiste de Faure. L’action d’Armand s’oriente egalement par des « milieux libres » (les colonies anarchistes) ou il prone l’amour libre, la camaraderie amoureuse, le naturisme et le refus generalise des contraintes. Armand se definit par l’epitaphe qu’il se composa : « Il vecut, il se donna, il mourut inassouvi ».
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